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Mohand HAMOUMOU commandeur de l'ordre national du Mérite.

Publié le 20 mars 2023

Monsieur Mohand HAMOUMOU commandeur de l'ordre national du Mérite.

Le 3 mars 2023, dans les salons du Sénat, Monsieur Mohand HAMOUMOU (comité de Riom) a reçu la cravate de commandeur de l'ordre national du Mérite des mains de Madame Dominique Schnapper, sociologue, fille de Raymond Aron, Directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), ancien membre du Conseil constitutionnel, dont le texte est reproduit ci-dessous.

 

Mohand,

 

Nous sommes ici au milieu de tes amis, qui te connaissent et parce qu’ils te connaissent ils ont pour toi de l’amitié, une amitié reconnaissante, fidèle, fondée, comme dans les couples heureux, sur le respect réciproque et les émotions partagées et renouvelées avec le temps.

 

Je me compte évidemment parmi eux.

 

Parce qu’ils te connaissent je ne rappellerai pas la multiplicité de tes activités et de tes fonctions, nous les connaissons, mais je voudrais profiter de l’occasion pour témoigner de mon amitié.

 

Je t’ai vu apparaître dans ma vie comme un étudiant, déjà instituteur, venu de Clermont-Ferrand pour s’inscrire en DEA. Tu étais recommandé par Francine Pariente qui a noué avec toi la même amitié que moi et tu souhaitais mener un travail sur les harkis. Je t’ai demandé tout de suite de préciser ta relation avec le sujet et j’éprouvais quelque crainte. Je craignais que, débutant dans la recherche, tu sois tenté par une forme d’émotion, de ressentiment ou l’intention inconsciente de « régler des comptes ». Je mettais toujours en garde les étudiants qui travaillaient sur des sujets trop proches de leurs expériences vécues et j’avais connu trop de cas où la thèse servait de catharsis, d’expression aux identités blessées. Ce qui n’est pas son rôle.

 

Tu as su magistralement éviter ces dérives possibles. Personne ne pouvait être indifférent au sujet ni le fils de harki ni Lucette Valensi qui s’est intéressée à toi alors que son engagement politique était très ardent en faveur de ceux qui avaient lutté pour l’indépendance, ni moi qui savais que les autorités françaises s’étaient mal conduites, mais n’avais jamais vraiment réfléchi à la question. Il est vrai que peut-être la sensibilité au problème des harkis trouvait un écho chez les juifs qui ont connu nombre de pièges historiques dans leur histoire. … En tous cas, c’est toi qui m’as sensibilisée à la question et c’est toi qui m’as instruite sur le destin des harkis.

 

Ta thèse, publiée en livre en 1993, démontre combien tu as su maîtriser ton émotion, qu’il ne s’agit pas d’évacuer (d’ailleurs on ne pourrait pas le faire) et produire un travail proprement historique. C’est un modèle. Il a été le premier des travaux historiques sur le sujet et son succès est amplement mérité. Evidemment la consécration ultime date de 2018 quand un extrait a été proposé au commentaire du baccalauréat. Tu es devenu un classique, Molière, Racine, Corneille Hamoumou…

 

Il faut se rendre compte qu’il te fallait du courage à l’époque. J’ai rappelé tout à l’heure l’atmosphère politique et même académique qui rendait le projet hardi. Et parce que les étudiants doués aident à la formation de leurs enseignants, c’est en réfléchissant avec toi au destin des harkis que j’ai élaboré mon concept de communauté historique ou de communauté de destin et pour répondre à ta question, je ne fais pas de différence entre ces deux concepts. Dans le monde politique il vaut mieux parler de communauté de destin parce qu’ils entendront mieux ce que nous voulons leur transmettre.

 

J’aurais aimé que tu fasses une carrière académique et tu aurais été un grand chercheur. Mais ta curiosité est insatiable ainsi que ton goût de la vie et de l’action. Sur le conseil avisé d’André Wormser qui fut, à la suite de son expérience de la guerre, un soutien indéfectible de la cause des harkis pendant des années, tu es aussi diplômé de l’ESSEC et tu as fait une carrière brillante dans l’industrie à Clermont-Ferrand et au Canada avant d’enseigner dans une grande école de commerce, et avant ton engagement politique qui fut aussi un succès. Tu as été maire de Volvic pendant deux mandats.

 

Mais tout au long de cette carrière brillante et variée tu n’as pas oublié tes amis, tu n’as pas oublié la cause des harkis. Et tu es devenu un interlocuteur écouté et respecté des pouvoirs publics. Ton combat a été un succès avec la loi du 22 février 2022 et si toutes les conséquences n’en ont pas encore été tirées, tu as obtenu des résultats certes tardifs, mais tangibles. On peut dire non pas que tu as réussi ta vie ou ta carrière – ce qui n’a pas beaucoup de sens - mais que tu as eu, par ton activité, par ton bonheur familial, une belle vie.

 

Personnellement je témoigne que cela a été un bonheur de me retrouver toujours en accord complet avec tes analyses et tes engagements, ce n’est pas si fréquent… comme ce n’est pas si fréquent de retrouver, près de 40 ans après notre première rencontre, un ami fidèle à lui-même avec lequel on partage des souvenirs, mais surtout, selon la formule de Montaigne une « parfaite et entière communication ».

 

Je suis donc heureuse que la République que tu as si bien servie malgré tes débuts douloureux dans la vie ait ensuite reconnu tes mérites et au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés j’ai le plaisir de te remettre les insignes de commandeur de l’ordre national du mérite.