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Une autre belle remise de Légion d'honneur à Clermont-Ferrand

Publié le 07 décembre 2023

Le vendredi 1er décembre 2023, le recteur Alain Bouvier, vice-président de la section du Puy-de-Dôme de la SMLH, officier de la Légion d’honneur, a remis à Madame Ghania Ben Gharbia les insignes de chevalier de la Légion d’honneur.

 

Ci-dessous le texte de l'allocution du recteur Alain Bouvier.

 

Je tiens à remercier Laurent Rieutort et sa sympathique équipe qui illustre le slogan : « small is beautifull ». Merci de nous accueillir à l’IADT, dans ce lieu agréable, dynamique et adapté pour un tel moment républicain, un établissement public, où se fait un travail de grande qualité. Ce soir est donc placé sous le signe de l’excellence.

 

La Légion d’honneur est-elle un ordre militaire ouvert à de nombreux civils comme le propagent des idées reçues ? Pas du tout, aimait à le rappeler le général Hervé Gobilliard, lorsqu’il présidait la Société des membres de la Légion d’honneur. La Révolution française avait aboli toutes les décorations, mais quelques années plus tard, la première créée par le Premier consul Napoléon Bonaparte, le 19 mai 1802, vite devenue prestigieuse, fut la Légion d’honneur. Dans le prolongement des idées de la Révolution et des Lumières, il n’en fit pas un ordre militaire. Il la destina à tous les civils, afin de reconnaître les mérites éminents des personnes et louer publiquement leurs actions dans la société. Bien sûr, il l’ouvrit aussi aux militaires. Aujourd’hui, ils sont l’objet d’un groupe spécial d’attribution qui s’ajoute aux deux vagues annuelles pour la société civile. Pour bien montrer son intention, le premier Grand chancelier, nommé en 1803 par Napoléon, fut un civil et la première remise officielle, en 1804, dans la chapelle des Invalides, ne s’adressa qu’à des civils.

 

Depuis sa création, la Légion d’honneur a vocation à être attribuée à des personnes dont la conduite est irréprochable et les mérites éminents. Nous verrons, chère Ghania Ben Gharbia, que vous remplissez parfaitement ces conditions. Au-delà de vos qualités personnelles que je décrirai, beaucoup trop brièvement, vous êtes le fruit de la méritocratie et de l’école républicaine, cette école que vous avez servie avec talent, volonté, courage, en développant vos multiples compétences durant toute votre vie. Nous verrons aussi pourquoi un site Belge loue, à juste titre, votre douceur et votre énergie.

 

Née à Tassala près de Constantine en Algérie, vous êtes arrivée à Vichy, avec votre famille, en 1962. Vous fîtes face, dignement, car c’est votre style, c’est même votre marque. Par la suite, dans votre vie, personnelle et professionnelle, vous avez affiché votre calme et une grande sérénité, notamment lorsque vous avez affronté d’inévitables difficultés les unes après les autres, mais surtout lors d’un drame terrible. La vie est parfois très dure, mais vous ne vous êtes pas détournée de votre route, car vous ne connaissez pas le renoncement.

 

Vos parents étaient d’origine modeste et, sans être l’ainée de la fratrie de 3 garçons et 4 filles, vous avez assuré très vite le rôle de « Grande sœur ». Vos deux enfants passaient avant tout. Et vous êtes une grand-mère comblée, par un petit-fils, Léon, âgé de 3 ans. S’il fallait résumer, pour votre famille, vous étiez une première de cordée, un exemple pour tous, par votre courage et votre grande détermination. Cela vous a préparé à votre métier de chef d’établissement où vous vous êtes épanouie et réalisée, nous allons le voir. Il semblerait que votre autorité soit naturelle et innée.

 

Votre époux, le professeur des universités Abdel Jabbar, titulaire d’une HDR de l’université Sorbonne-nouvelle, est disparu cruellement en 2011. C’était un humaniste et un grand intellectuel, lauréat de 2 agrégations.

 

À la fin de vos études secondaires au lycée Albert Londres à Cusset, et afin d’être indépendante financièrement, vous avez travaillé pendant un an avant de vous inscrire à l’université, avec l’idée d’étudier la littérature anglaise. Mais très vite vous avez affiché votre excellence en réussissant le sélectif concours des IPES, en Lettres. Ainsi, votre orientation vers les Lettres fut-elle décidée et vous l’avez poursuivie jusqu’à un DEA de Lettres et civilisation françaises, avant d’enchainer en vous présentant victorieusement, au total, à quatre concours de recrutement.

 

Véritablement bivalente, vous sembliez destinée à devenir PLP lettres-anglais. Mais, en 1989, vous fîtes un autre choix, en passant le concours de Conseillère d’éducation, auquel, si j’ose dire, vous ne fûtes classée qu’au 13e rang. Mais, dès l’année suivante, au concours de Conseiller principal d’éducation (CPE comme on dit souvent), c’est la première place qui vous fut attribuée. Il faut savoir que ce concours est le plus sélectif des concours du second degré, autant que l’agrégation de philosophie ! Il peut y avoir plus de 10 000 candidats pour deux ou trois centaines de places offertes. Ce métier transversal de CPE est, pour moi, une préfiguration des métiers du futur dans nos établissements secondaires. Comme je l’ai écrit, c’est une très bonne propédeutique pour devenir chef d’établissement et vous en avez administré la preuve puisque, dix ans plus tard, vous poursuiviez dans l’excellence en étant à nouveau major, cette fois du concours de personnel de direction. Être ainsi en tête successivement de deux concours différents est exceptionnel et confirme votre excellence académique.

 

Pendant cinq ans vous avez été proviseur-adjointe en lycée général et technologique, à Ambroise Brugière, d’abord sous la férule d’un grand proviseur reconnu de tous, Jean-Paul Trespeux ici présent, qui fut, ce sont les hasards de la vie, mon premier partenaire de tennis à Clermont-Ferrand.

 

Plus tard, vous fûtes appelée par le recteur Besson pour devenir, à votre grande surprise et, proviseur vie scolaire au rectorat, on dit PVS. Votre calme et vos talents furent vite reconnus et appréciés. Vous avez été un appui pour le recteur qui voyait en vous une conseillère fidèle, loyale et crédible.Vous avez collaboré avec mon ami Alain Roume ici présent, le précieux secrétaire général de l’académie, avec Charles Moracchini au style flamboyant et qui parlant de vous m’a dit : « elle est ce que l’on peut faire de mieux, la justice et le droit incarné », avec Françoise Lagonotte, très précieuse secrétaire au cabinet du recteur, veillant discrètement sur tout. Et je sais, bien sûr, tout le bien que pense de vous la rectrice Marie-Danielle Campion qui ne pouvait pas être là ce soir. et m’a prié de l’excuser. En ma présence elle vous a remis, en 2013, votre décoration en tant que chevalière dans l’ordre national du Mérite, une belle reconnaissance de vos qualités, comme le confirme encore plus nettement cette nouvelle décoration, la Légion d’honneur, qui vous est attribuée ce soir.

 

En 2009, vous avez été nommée comme proviseur du lycée polyvalent Valery Larbaud à Cusset, un magnifique établissement où vous êtes restée huit ans. Vous fûtes très vite appréciée par tous les acteurs pour votre amour des Lettres, des jolis mots, des histoires, de la musique, du piano. Selon vos collaborateurs, vous avez fait entrer la culture au sein de l’établissement, en lui faisant prendre, m’a-ton dit, une dimension splendide et lumineuse, à l’image du lycée, grâce à des expositions de sculptures, de tableaux, de photos, grâce aussi à des conférences et surtout par un soutien appuyé aux projets des équipes. Vous avez ouvert l’établissement aux cinq continents. Par votre exemplarité professionnelle, vous avez bâti une « maison commune » faite de plaisirs et d’exigences culturelles. Vous êtes même allée jusqu’à implanter un piano en libre accès dans le hall majestueux de ce magnifique lycée.

 

Ensuite, votre carrière s’est poursuivie et terminée à la tête du lycée Jean Monnet, le lycée français de Bruxelles. C’était un formidable défi qui vous permettait d’exprimer votre très forte capacité d’engagement. Ce lycée est un gros établissement atypique, avec plusieurs tutelles : d’abord celle de l’Ambassade de France, votre tutelle directe ; celles des autorités Belges qui fixent les normes locales à respecter, et enfin celle de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger à Paris. Cet établissement va de la maternelle à la classe de terminale et accueille 2750 élèves originaires de 60 pays. Qui dit mieux ? L’établissement a 100% de réussite au Bac, 91% des élèves ont une mention, dont 36% une mention Très bien. Dans ce lycée, on enseigne 6 langues vivantes et il a deux sections internationales, en anglais et en allemand. Ce lycée est l’établissement mutualisateur d’un ensemble d’écoles, de collèges et de lycées du réseau « Europe du nord et Scandinavie » comptant 9 pays. Un peu comme un Greta, il organise la formation continue de tous leurs personnels, et pratique des expérimentations. Vous aviez aussi à assurer la lourde charge des recrutements d’enseignants. L’Agence parisienne était l’employeur des 40% de fonctionnaires de l’État français, alors que les 60% d’autres enseignants étaient des « locaux », sur contrats et souvent bien mieux payés. Pas simple à gérer !

 

Votre lycée était en « gestion directe ». On pourrait croire que cela veut dire avec une totale autonomie. Et bien, pas du tout ! En fait, c’est même le contraire ! L’Agence parisienne déjà citée, est l’instance qui valide depuis Paris, in fine, les décisions de la Direction. Mais c’était mal vous connaître !

 

Pendant la crise de la Covid-19, vous avez dû travailler avec un corps enseignant qui, pour une grande partie, est immédiatement retourné dans l’Hexagone durant les confinements. Certains professeurs étaient donc installés dans un autre pays que celui de leur lycée ! Sans doute voulaient-ils tester l’enseignement à très grande distance ! Dans une interview à un média Belge, vous décrivez cela comme « une grande aventure », un gros travail pédagogique, très complexe, avec pour objectif, je vous cite, de « sortir de la crise la tête haute » et ce fut le cas. Durant cette période, vous vous êtes sentie un peu seule pour affronter la tempête, mais face aux problèmes, vous le fîtes avec fermeté et cela méritera, un jour, d’être raconté dans un article que pourrait publier la revue Administration et éducation de l’AFAE !

 

L’Ambassadeur de France en Belgique, qui considérait le lycée comme son « navire-amiral», je la cite, a vite apprécié vos qualités. Son appui était pour vous un réconfort, car les parents d’élèves d’un tel établissement pouvaient avoir de fortes personnalités, comme on s’en doute ! Pendant 5 ans, vous avez eu le courage de faire face à tout et cela a sans doute forcé, à juste titre, l’admiration que votre Ambassadeur avait pour vous et qui était à la hauteur de la mienne.

 

En fait, votre carrière professionnelle est beaucoup plus riche que cela. Je n’ai rapporté que les éléments qui me semblent vous distinguer de beaucoup de personnes et expliquent cette prestigieuse reconnaissance.

 

Maintenant, pour votre retraite, vous êtes de retour en Auvergne, proche des vôtres, dans cette belle région porteuse d’humanité.

 

Madame Ghania Ben Gharbia, il me revient maintenant, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, de vous remettre la Légion d’honneur, cette décoration qui vous honore à juste titre, comme nous venons de le voir.